J'avais dix ans, j'avais hâte d'en avoir vingt. Non pas parce que j'allais être un adulte, ni même parce que j'allais être libre de mes choix. Non, rien de ça, parce que je savais bien qu'en vieillissant, le nombre de responsabilités allait augmenter. Plutôt, j'avais hâte d'avoir vingt ans, parce que je me doutais bien qu'à cet âge, j'aurais goûté aux plaisirs de la chair. Aujourd'hui, j'en ai 25, et le rêve de mes dix ans, je l'ai réalisé à la fin de mes seize ans. Le souvenir que j'en ai est plutôt vague, mais je me rappelle que j'étais heureux, excité. J'étais devenu un homme.
Outre mes rêves de dépucelage qui me hantaient à la fin de mon primaire, j'étais un petit bonhomme anxieux. Stressé pour un cahier oublié à l'école, mais j'étais heureux. Je chassais les sauterelles et collectionnais les grenouilles. Entre deux flaques d'eau, je me pétais la gueule en vélo. Quand on est petit, on tombe de moins haut, c'est peut-être pour ça qu'on est pas vraiment conscient des risques de douleur. Mais, à mes dépens, j'ai compris qu'on a beau être brave, la bravoure c'est pas immortel. Onze ans, un nouveau vélo, une visite chez mon cousin, le tout a fini à l'hôpital. C'est la faute à mon vélo tout neuf, il allait pas aussi vite que je le pensais, ou que je voulais bien le croire. Perte totale... le vélo. J'ai été téméraire et je me suis passé de bicyclette pour un petit bout par la suite.
Le secondaire. La suite malheureusement inévitable. Après m'être cassé la gueule en vélo, c'est socialement que je vais me la péter. Je ne sais pas pourquoi, en fait, j'amplifie la réalité, j'étais victime de l'humour méprisant et baveux de seulement quelques élèves, et non pas du monde étudiant dans son ensemble, mais, à cet âge, l'opinion des autres, même celles des trous d'cul, est importante. Je n'ai pas de grands souvenirs mémorables de mon secondaire, sinon quelques détails ici et là. Je n'ai pas sû le vivre pleinement, j'avais hâte d'en sortir, simplement. Et après un bal auquel je ne suis pas allé et la découverte de la poésie comme exutoire de mes sombres pensées, j'ai fini par passer au travers.
Le secondaire est maintenant terminé depuis longtemps, et bien que j'avais hâte qu'il finisse, je me rend compte aujourd'hui qu'une bonne partie de l'identité que je me suis forgée provient de cette époque. Le côté sombre de ma personnalité. Celui qui fait que je ne suis pas très expressif, timide avec un certain manque de confiance, quelqu'un de plutôt neutre à ce qui m'entoure, mais sensible à ce que les autres pensent de moi. On me dit que j'ai pas l'air timide, que je semble avoir un égo en béton. "Mathieu, il se prend pour Dieu." Mais vous savez quoi, Dieu j'y crois pas, mais tellement pas. Je suis athée, jusqu'à la moëlle. J'ai fondé mon existence sur la science, sur le tangible, le concret. Le destin, non merci pour moi. La chose la plus abstraite dans ma vie à laquelle je crois, c'est l'amour. Parce que je le ressens, juste ici, en-dedans. C'est pas si abstrait que ça dans le fond, mais il n'y a aucun repère, aucune directive, mais surtout aucune assurance qui vient avec. Et on a beau y croire à l'amour, le ressentir, on y est vulnérable, sans pouvoir avoir le total contrôle dessus. En fait, est-ce que je crois vraiment en l'amour, le vrai? Je ne sais pas, mais je l'espère, je l'espère tellement. Peut-être trop.
15 mai 2006
Bribes de vie
Écrit à 12:55 p.m.
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3 commentaires:
J'espère pour toi que tu crois en l'Amour avec un GRAND A. Sérieusement, ça existe. J'ai vu des gens le vivre et ils avaient l'air si heureux! Si on ne croit pas au grand amour, comment peut-on le vivre?? Et regarde tes parents. N'est-ce pas ça, LE grand amour? Être encore ensemble après 20-25-30 ans de mariage. Oui, je pense que c'est une facette de l'amour véritable: pouvoir surmonter les difficultés en se tenant toujours la main. Ne pas s'abandonner à la moindre petite chose.
Et il ne faut pas TROP espérer... Quand on espère trop, c'est là qu'on vit des méga-déceptions. La seule chose que je peux te dire, c'est fais confiance à la vie. Tout a sa raison d'être.
J'ai l'impression d'avoir écris ce texte. Ça me dépasse. Je te lis. Je me vois. Totalement déstabilisant. Je sympathise.
Pour ce qui est de l'amour ... Je crois qu'il faut être patient et surtout ne pas trop se faire d'attente car c'est dans l'attente qu'on trouve la déception et par la suite le désespoir etc. ...
À bientot !
xx
J'ai bien apprécié ton texte. Je me range du côté des personnes se disant que "tu sembles avoir un égo du béton", à la différence près que je ne dis pas "Mathieu, il se prend pour Dieu", mais plutôt "Mathieu, c'est un Dieu" :)
Je trouve surprenant de savoir que tu en as arraché au secondaire. Je serais curieuse de savoir à quel propos les ados t'écoeuraient. Tu retires beaucoup d'effets négatifs du passage au secondaire, et ça se comprend. Mais à mon avis, ça t'a certainement apporté de bonnes choses aussi. Le brin de timidité et un certain manque de confiance te rend touchant, le fait d'être plutôt neutre face à ce qui t'entoure te permet de prendre une distance face à ce qui t'entoure (fait de toi quelqu'un de plus réfléchi), etc.
Tout ce que je peux te souhaiter, c'est de trouver l'amour que tu recherches, parce que tu le mérites bien: tu es une très belle personne, et ce dans tous les sens du terme.
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